3. Déboires, décisions et départ

Quelques jours plus tard...
Mon Ancêtre Vénérée ne jurait plus que par son nouveau lama... Quand il n'était pas là, elle était pendue avec lui au téléphone. Elle en oubliait même de payer ses factures, et quand l'huissier vint réclamer le paiement de ses dettes, elle ne fit même pas mine de l'écouter.

- Alors ma petite dame, on se moque des factures, de la loi et de MOI, son représentant ? Bien bien bien, puisque c'est comme ça, je double votre amende !
- ...
- Dites, vous m'écoutez au moins ?
- ... ...
- Vous vous fichez de moi en plus ! Mais c'est que ça va chercher loin, tout ça ! Je vous préviens, ma petite dame, ça va SAIGNER ! Vous m'entendez ? SAI-GNER !
- ... ... ...

J'ai bien cru que le bonhomme, qui bavait littéralement de rage, allait faire une crise d'apoplexie devant l'absence de réaction de Mon Ancêtre Vénérée, qui continuait à discuter au téléphone avec son second lama, imperturbable.

Du coup il s'est vengé en embarquant la moitié des meubles de la résidence. Mais il en a été pour ses frais en ce qui concerne Mon Ancêtre Vénérée : elle n'a pas daigné tourné la tête vers lui une seule fois. Il était comme enragé quand il est parti et a promis de revenir, avec un camion beaucoup plus gros, dès la première seconde de retard de paiement d'une prochaine facture.

Mon Ancêtre Vénérée, elle, faisait tout son possible pour convaincre son second lama de se défaire de son costume sans, disons, avoir à payer de sa personne. Il faut bien avouer qu'elle avait l'air d'être échaudée par son expérience avec son premier lama : on ne voyait plus trop Raymond-lama traîner dans les parages de la Résidence.
Après moult réflexions, elle décida d'investir dans un jacuzzi et d'inviter Yves (son nouveau lama) à y entrer. Il serait bien forcer d'abandonner son costume.
- Et s'il refuse, ô Ancêtre Vénérée ?
- Je jette l'éponge, Nessa, je jette l'éponge...

Nessa, c'est le surnom qu'elle m'avait trouvé après avoir beaucoup cherché. Elle avait décidé que, bien que n'étant pas né, j'étais un de ses lointains petits-enfants, et qu'elle avait le droit et le devoir de me trouver un nom. Alors, comme elle s'appelait Tifenn MacNessa, elle avait choisi de me baptiser de son nom à elle. Et je dois avouer que j'aimais bien.

Elle invita donc Yves-lama et, après une partie endiablée de PacSim, elle lança l'offensive.

- Tu sais, Yves, j'ai quelque chose à te montrer... quelque chose de très important..., attaqua Mon Ancêtre Vénérée de sa voix la plus suggestive.
- Vouiiii ?! répondit l'autre, déjà tout émoustillé. Quoi donc ?!
- Attends cinq minutes, et rejoins-moi en bas, d'accord ? Il faut que je me prépare pour l'occasion...
- Tes désirs sont des ordres, Tifenn, tu le sais bien...  je te rejoins dans cinq minutes, et pas une seconde de plus ou de moins.

J'aurais donné cher pour voir sa tête sous son masque. Intérêt ? Déception ? Espoir ? En tout cas, il ne se fit pas trop prier et marcha d'un air décidé vers le bain à remous. J'étais au supplice, et Mon Ancêtre Vénérée aussi, très certainement.

Maiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis euuuuuuuuuuuuuuh ! Qu'est-ce que c'étaient que ces fleurs qui voletaient partout ? Je n'y voyais rien ! Je trépignais d'impatience ! Je ne tenais plus !

Snif...
Je n'ai pas voulu voir la tête que faisait Mon Ancêtre Vénérée. Abattu, je suis parti, préférant ne pas voir la suite, si suite il y avait. Cet Yves-Lama était, selon moi, à peine mieux que le précédent. Sa bouche trop large ne parvenait même pas à faire oublier son nez trop gros... Peut-être était-ce moi qui étais trop difficile ? En tout cas je ne pouvais pas m'empêcher de penser que Mon Ancêtre Vénérée méritait mieux.

Elle devait le penser aussi, car dans les jours qui suivirent, le téléphone ne sonna plus, la sonnette de le Résidence ne retentit plus, et les visites de lamas cessèrent. Mon Ancêtre Vénérée se consacra davantage à ses études, d'autant plus que la fin de sa deuxième année d'études, et les examens qui vont avec, approchaient. Elle termina ses dissertations, rendit tous ses devoirs, et passa haut la main les épreuves écrites comme orales.

Malheureusement, la troisième année débuta mal pour elle.
- Nessa ! Tu te rends compte ? Dans la liste des cours de cette année, j'ai deux heures de dissections par semaine !! Tu te rends compte ? Des dissections ! De souris ! Pauvres bêtes ! Je ne pourrais jamais ! répétait-elle en feuilletant et refeuilletant son livre d'anatomie.
- Mais, ô Ancêtre Vénérée, n'était-ce pas prévisible ? Tu as choisi la biologie comme spécialisation...
- Je sais bien, mais je pensais que ces vieilles techniques barbares étaient révolues ! s'indignait-t-elle.
- Je comprends, je comprends... que comptes-tu faire ?
- Changer de spécialisation, pardi ! Il n'est pas encore trop tard...

Aussi tôt dit, aussitôt fait : Mon Ancêtre Vénérée choisit les maths comme nouvelle spécialisation. Au moins, elle était certaine que les cours de maths ne nécessitaient pas d'ouvrir les entrailles de quoi que ce soit.

Elle se concentra désormais sur ses études avec beaucoup plus de passion qu'avant, et les lamas n'étaient tolérés à la Résidence que de loin en loin, quand elle daignait lever le nez de ses livres ou décoller ses doigts de son clavier. Son attitude générale s'était transformée depuis la fin de sa deuxième année.

Elle avait en effet dû se prêter au Grand Rituel, non sans râler, évidemment.
- Un Grand Rituel ? Et puis quoi encore ?
- (Soupir) Je dois t'expliquer une fois encore que tu n'as pas le choix ?
- Et ça consiste en quoi exactement ?
- Très bien, je te réexplique... pour la troisième fois...
- C'est que tu n'es pas très clair dans tes explications, Nessa !
- Moui ? Bon, alors, écoute bien : tu vas devoir laisser le Hasard décider de ce qui est bon pour toi... il ne se trompe jamais... ou presque, ajoutai-je, plus bas.
- Tu vois ! C'est le "presque" qui me gêne !
Le moment venu, elle avait cédé, de mauvaise grâce, mais elle avait cédé. Et elle s'était sentie transformée. Depuis, j'avais parfois du mal à la reconnaître. Elle était plus solitaire, mais elle semblait également beaucoup plus heureuse, entourée de ses bouquins et de son chevalet. Elle passait des heures à lire et à peindre.

Puis, quelques semaines après le début du premier semestre, elle décida qu'elle en avait marre de la Résidence et décida de déménager.
- Les autres étudiants font tellement de bruit ! C'est fête sur fête ! Impossible de se concentrer, répétait-elle.

Elle se laissa néanmoins tenter par une fête de départ, qui fut endiablée, et durant laquelle les étudiants de la Résidence se lancèrent dans une danse incroyable que je n'avais jamais vu. En tout cas, ce fut l'éclate totale, pour eux comme pour moi.

La maisonnette choisit par Mon Ancêtre Vénérée ne manquait pas de charme, et même si parfois elle était dérangée par des intrus peu scrupuleux...

...elle y coula de longs jours heureux à s'adonner à sa nouvelle passion : la peinture.

Elle s'acharna tant et tant à perfectionner ses choix de couleurs et ses traits de pinceaux qu'elle finit par atteindre la maîtrise totale de son art de prédilection. Pour fêter ça, elle invita une vieille connaissance...

... et la fête dura jusqu'au bout de la nuit. D'ailleurs, le gaillard ne se réveilla pas de si tôt : Mon Ancêtre Vénérée l'avait littéralement épuisé.

Les jours, les mois et les années passèrent... Mon Ancêtre Vénérée passa haut la main sa troisième année, et continua sur sa lancée sa quatrième et dernière année, qu'elle termina avec une moyenne de 20/20 et les félicitations du jury. Elle pouvait être fière d'elle ! Elle était major de sa promotion. Elle décida d'organiser une grande fête pour la cérémonie de remise des diplômes, et invita tous ceux et toutes celles qui avaient partagé sa vie d'étudiante.

Oui, évidemment, les lamas étaient invités aussi, même si apparemment ça les surprenaient beaucoup...

Ce fut une fête réellement magnifique, avec des batailles d'oreillers acharnées...

... des danses endiablées...

... un discours plein d'émotions...

... et un dernier plongeon dans le jacuzzi pour clôre la journée en beauté.

Après une bonne nuit de sommeil réparatrice, Mon Ancêtre Vénérée décida de ne pas prolonger davantage son séjour à l'Académie La Tour. Elle emballa ses affaires et un camion de déménagement les embarqua en fin de matinée. Puis, après un dernier tour du propriétaire, elle appela le taxi qui devait l'emmener à Cité-Ardente, un coin perdu, complétement sauvage, où elle avait décidé de déménager.

- Tu sais la seule chose qui m'a manqué, pendant mes études ? me confia-t-elle sur le trajet.
- Non, quoi donc ?
- Fonder une association étudiante... soupira-t-elle. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que ç'aurait été bien...
- ... oui, en effet...
- Mais c'est trop tard pour regretter, n'est-ce pas ?

Comments

[AnneB]

J'aime beaucoup ton écriture et cette façon que tu as d'aborder ce challenge.
Vraiment, c'est que du plaisir !
Vivement la suite ... Où on va certainement découvrir la maison de ton Ancêtre Vénérée ... et ... le lama, élu de son coeur, ou un autre !