4. La main dans le sac
A peine arrivée à Cité-Ardente, Mon Ancêtre Vénérée m'apostropha :
- Nessaaaaaa ?
- Vouiiiiiiii ?
- Que les choses soient claires désormais : je suis au courant, pour ton journal.
- Quel journal ? répondis-je d'une voix qui se voulait innocente.
Mais j'étais néanmoins très inquiet : se pouvait-il qu'elle ait découvert mes écrits ? Elle continua en ces termes :
- Le journal que tu tiens pour les Autres. Celui dans lequel tu mets les "prises de vue" que tu fais, assorties de tes commentaires. Seulement, mettre ce journal sur internet n'est pas une très bonne idée, je suis tombée dessus par hasard en cherchant les résultats de mes examens sur Gaagle... "Tifenn MacNessa et le Legacy Challenge", hein ?
- Mais... je ne comprends pas, ce doit être une erreur, une confusion, une coïncidence, enfin que sais-je ! tentai-je dans un dernier espoir.
- Nessaaaaaa ?
- ...
- Tu sais que tu mens très très mal ? me lança-t-elle en éclatant de rire. Et puis, tu sais, ça ne me dérange pas... tant que tu m'autorises à "corriger" certains de tes propos.
- "Corriger" ?
- Oui, disons que tu me laisseras désormais un droit de parole sur tes pages...
- ...
- Crois-tu seulement que tu as le choix ?
- Non, ô Ancêtre Vénérée...
- Et pour la énième fois, appelle-moi Tifenn !
- Bien, Tifenn...
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Je n'ai pas eu d'autre choix que d'accepter... Mon Ancêtre Vénérée a bien voulu accepter la seule petite condition que j'ai voulu poser : elle ne modifiera pas le contenu des mes textes et photos, elle ne fera qu'ajouter ses commentaires si elle le juge bon...
Tifenn : Disons que j'ai parfois un point de vue différent et que j'aimerais le faire entendre quand ça arrive... c'est quand même bien de ma vie qu'il s'agit non ? et de la tienne aussi, par ricochet, ok... mais quand même. Et puis ton écriture est tellement... enfin aucun sentiment quoi. Tu n'as même pas mentionné ma meilleure pote d'unif, Mélanie, dans tes photos et tes textes ! Tout ce qui t'intéresse c'est que je me reproduise pour que tu puisses naître ! Le reste, tu t'en fiches. Pffff, t'es décourageant parfois Nessa.
Et voilà ça commence déjà...
Oui en effet tu commences déjà à râler !
...
Et tu boudes en plus ?
Oui ! Na ! Moi aussi j'ai des sentiments, même si je ne suis pas né ! Et tu m'embêtes à la fin Tifenn, c'était moi qui racontait l'histoire, tout roulait, et tu viens mettre ton nez dans mes affaires !
Bon, soyons francs tous les deux et mettons-nous d'accord : j'ai été vexée que tu écrives sur moi sans me le dire, et tu es vexé que je veuille prendre la parole sur ton "jardin secret" : ça résume bien la situation, non ?
Oui, plus ou moins...
Alors je te propose une chose : tu choisis quelques images, et on les commente tous les deux. Pour voir ce que ça donne.
D'accord, Tifenn, d'accord...
Ta maison. Sans peinture sur les murs dehors, sans rideau, sans rien.
Oui, mais c'est ma-maison-à-moi ! Imagine ! J'ai pu acheter une maison juste après la fin des mes études ! J'en connais beaucoup qui rêverait d'avoir ma chance. D'ailleurs je suis toute rêveuse sur la photo, ça se voit !
Ton diplôme... c'est la première chose que tu as accroché sur le mur quand tu es entrée dans ta maison.
Tu penses si je suis fière ! J'étais la seule fille de mon année en spécialisation maths, et j'ai fini major de ma promo. J'aime les maths. Je ne comprends pas comment on peut ne pas aimer les maths...
(Quand je disais que tu es une fille bizarre !)
(Grrrrrrrrrrrrrrrrr)
L'inénarrable Benjamin Renaudin...
Le premier voisin qui est venu me souhaiter la bienvenue. Un pic. Un cap. Une péninsule. Je n'ai pas arrêté de fixer son nez pendant les cinq minutes qu'a duré notre conversation. Je cois qu'il est parti un peu vexé... Je ne l'ai plus revu depuis, d'ailleurs.
Le musée des horreurs...
Olala, tu as pris des images des différents livreurs que j'ai appelé durant les premiers jours , suivant tes conseils, pour faire leur connaissance, toujours suivant tes conseils ? C'est vrai qu'ils étaient tous plus moches les uns que les autres... Seule la livreuse était jolie... c'est pas juste ! Il y a du préférentisme pour les garçons à Cité-Ardente !
Dois-je rappeler à ton souvenir Raymond-lama et Yves-lama-aussi ? Ils n'étaient pas mal en matière de nez, eux non plus...
Grmblblgrmmmblblbl ! Erreurs de jeunesse vite corrigées !
Oui en effet, Raymond-lama a tellement été saisi par ta rupture soudaine qu'il n'a pas su se retenir... de pleurer une mare. Le pauvre. J'en avais presque mal au coeur pour lui. Il faut dire que tu lui avais sorti le grand jeu :
- Oui, je suis désolée, Raymond, mais tu ne comprends rien à mon art... ma peinture ne t'as jamais intéressé... si si si, ne mens pas, Ray, tu bailles à chaque fois que tu jettes un oeil sur les tableaux que je te montre fièrement...
- Et puis, Ray, tu regardes tout le temps la télé. Tout le temps. La première chose que tu fais le matin en te levant, c'est allumer la télé. Tu regardes la télé en mangeant. En lisant. En faisant du sport. En... Bref. Et moi je ne sup-por-te-pas la télé. Désolée, Ray, on n'est pas compatible...
Note que tout ça était vrai, quand même... et puis, que veux-tu, c'était sur le lama que j'avais flashé quand j'étais étudiante, pas sur l'homme qu'il y avait dedans... c'était pas difficile à comprendre...
En tout cas, c'était marrant... bon, je peux continuer ton... mon... notre histoire, maintenant ?
Allez vas-y... ça te fait tellement plaisir...
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Et c'est durant une sortie au centre-ville que tout a commencé...
(Ce que tu peux être mélodramatique parfois... bon ok ok je ne dis plus rien... pour aujourd'hui).
Mon Ancêtre Vénérée s'est tournée vers moi et m'a dit :
- Psssiiiit ? Nessa ?
- Qu'y-a-t-il ?
- Regarde un peu le mec pas mal...
- Oui il est pas mal, effectivement... je ne le vois pas bien dans le noir, et ses cheveux lui cachent un peu la figure, mais il à l'air pas mal, en effet...
- Et puis, c'est dommage qu'on ne voit pas bien ses yeux...
- Tu ne vois pas bien ses yeux ?
- Non, à cause de ses lunettes, tu es aveugle ou quoi ?
- Mais... maismaismais... il n'a pas de lunettes...
- Ah, je comprends ! dit-elle en poitant fort impoliment son doigt vers son voisin de bar. Tu croyais que je parlais de ce type, là ?
- Tifenn, je crois que tu as peut-être légérement forcé sur l'alcool...
- Pas du tout ! affirma-t-elle en s'accrochant fermement au bar de son autre main. Et puis, moi au moins, je sais de quoi je parle. Je parle du beau blond qu'il y a derrière moi, sur ma gauche...